edurtreG est un « outil » virtuel qui examine et « regarde » Gertrude (voir « Qu ‘est-ce que Gertrude ? »).

Il se présente comme Gertrude sous la forme d’un blog mais à la différence de ce dernier, il n’est composé que de textes.

La succession d’articles publiés ne dépend que de l’état de la réflexion que je mène sur Gertrude ce qui implique une certaine irrégularité dans le contenu et la temporalité.

samedi 8 septembre 2012

Écriture



La pratique du blog de Gertrude m’a amenée peu à peu à l’usage de l’écriture. Cette dernière s’est imposée comme la base naturelle de cette nouvelle manière de concevoir et mettre en scène mon travail de plasticienne.

Chaque article est ainsi accompagné d’au moins un titre et d’un minimum de formulation écrite ; l’image dans ce contexte du blog, ne peut se suffire à elle-même et ne peut fonctionner qu’accompagnée de quelques mots, d’une phrase ou d’un petit texte ; j’expérimente par ailleurs la réduction au minimum de cette relation entre l’image et le texte, par le seul titre, dans le blog de Clémence Adhère qui, ne faisant pas partie à proprement parlé de l’aventure « gertrudienne », ne participe pas moins à mes essais praticiens sur Internet et croise beaucoup plus qu’il ne paraît mon travail autour de Gertrude; et il est évident dans cette dernière expérience que plus la formulation est réduite, plus elle est difficile à élaborer en résonance avec l’image ; il m’arrive de garder ainsi l’image plusieurs jours sans trouver le titre qui lui convient.

Mais dans les blogs de Gertrude, de simple complément ou complétude de l’objet donné à voir, l’écriture est devenue avec le temps objet à part entière et a pris bien des fois le pas sur la production plasticienne.

Dans cette survenue de la nécessité d’écrire dans ma pratique, tout me porte à croire qu’elle était sous-jacente et n’attendait que cette aventure pour se révéler. L’écriture a toujours été présente et je n’ai jamais pu vraiment démêler si écrire était pour moi une facilité ou une difficulté ; je sais juste qu’elle est suffisamment importante pour susciter un questionnement et un désir, suffisamment présente pour avoir fait l’objet d’un texte (ici).

Désir et appréhension qui sont à l’évidence au rendez-vous de ce dernier blog edurtreG : les points que j’ai envie d’aborder sur Gertrude et la multitude de pistes qui s’ouvrent à mon analyse en justifie bien le désir ; s’ajoute bien sûr l’appréhension de « ne pas être à la hauteur » de ce désir et de mes ambitions, de servir du creux tout juste bon à dégonfler ma dynamique plasticienne, de renverser par cette écriture tout ce qui constitue le sens de mon travail.

Le danger étant aussi de tomber dans le verbeux et la redite à force de tourner autour du même motif. Mais paradoxalement c’est cette redondance et ce fonctionnement en circuit fermé qui me semble être moteur de ma démarche et qu’il me paraît essentiel d’exploiter et d’analyser ; mais est-ce vraiment, dans cette volonté d’écriture, un acte d’analyse ou un nouveau redoublement, une nouvelle peau d’oignon, de la spirale ?

Arts Plastiques




Plus j’avance dans le temps de Gertrude, plus je m’interroge sur la relation que cette expérience entretient avec les Arts Plastiques.

Les Arts Plastiques ont déjà pour moi une double entrée : ils sont l’objet de mon activité professionnelle mais, également, ils sont le centre de mon intérêt personnel de plasticienne ; j’ai donc à leur égard une double position, extérieure et intérieure, j’en suis spectatrice et actrice.

Avant l’expérience de Gertrude sur Internet, je peux considérer que j’étais une plasticienne lambda, plutôt peintre, un peu bricoleuse, un peu photographe et peu versée dans les nouvelles technologie. J’étais pleinement engagée dans une expérience matérielle des arts plastiques, forte de ma formation de praticienne à l’école des Beaux-Arts.

L’introduction d’Internet dans ma pratique s’est rajoutée à cette expérimentation comme un nouveau medium à explorer ; mais contrairement à un moyen dit « classique » comme la peinture, le dessin ou la photographie, qui implique un rapport immédiat à la forme et à la matérialité de constituants plastiques, la mise en ligne redouble cette relation, impose une distance qui lui est propre, introduit l’impalpable et l’impossibilité de l’appréhender comme un tout.

Ainsi le blog de Gertrude se fonde sur une réelle activité plasticienne de ma part, peinture, dessin, bricolages, broderie, installation, performance, vidéo, photo et c…, il rend compte de cette production on ne peut plus matérielle, mais développe également sa véritable autonomie de blog et d’entité virtuelle, impliquant non seulement une sorte de déroulement temporel, mais également une dimension d’information et de communication, voire de publicité.

Très rapidement ces deux aspects « matériel » et « virtuel » sont devenus indissociables au point de ne pas pouvoir fonctionner l’un sans l’autre, chacun imposant sa loi dans le champ de l’autre ; d’une part le « matériel » tente d’exister par le truchement de l’image photographique, que je veux la plus démonstrative possible au point de « bluffer » par quelques supercheries numériques sur la qualité de productions qui ne sont pas toujours à la hauteur de mes ambitions ; d’autre part, le « virtuel » impose son rythme de média éphémère dévoreuse d’évènements, m’obligeant à produire sans cesse de nouvelles images, d’inventer des situations attractives et intrigantes, de réfléchir mon travail en tant que mises en scène, d’entretenir un échange avec les visiteurs, d’empiler sans fin de nouvelles données aussi rapidement qu’elles se périment.

La construction impalpable et irreprésentable que le blog entraine, constitue une sorte d’organisme en croissance constante qui ne peut être perçu en totalité tant les méandres (liens et autres raccourcis virtuels) se sont multipliés, tant les commentaires eux-mêmes y rajoutent de substance.

Il est vertigineux de penser que cette structure accumulative ne peut être sauvegardée d’aucune façon et risque de disparaître à tout moment d’un clic ou à cause d’un bug informatique.

Cette démarche qui comprend une activité « classique » de plasticien et sa publication sur le Web m’oblige à une double approche, dont l’une emprunte peut-être au domaine hybride, où tout peut encore inventé, de la forme et de la communication virtuelle.

Blog



La définition du « blog » serait un « journal intime sur Internet », le but en est apparemment contradictoire, secrètement alléchant, singulièrement immature : celui d’exposer aux yeux potentiels de tous ses petites affaires secrètes .

La vocation du secret n’étant pas de se proclamer en tant que secret et de susciter le désir de sa révélation ?

Une des premières questions à propos de Gertrude serait peut-être le pourquoi d’un blog. Quand je me suis lancée dans l’entreprise (et c’est bien toujours ce mot « entreprise » qui me vient à l’esprit à son sujet), c’était comme un pari, presque une expérience hasardeuse que je pensais sans avenir.

La perspective me tentait autant qu’elle me repoussait ; l’idée première était de créer une sorte de fiction autour du personnage de Gertrude, et à travers ce faux « journal », en nouer l’intrigue.

Je me suis lancée probablement lors d’une certaine période de vacuité dans ma pratique ; l’expérience en était une parmi d’autres, sa pérennité ne devait pas excéder quelques jours, voire quelques semaines.

Quatre ans et demi après, force est de constater qu’il n’en est rien, que les idées (la dernière en étant peut-être « edurtreG ») continuent à se bousculer pour alimenter l’aventure, que l’aventure a largement supplanté l’expérience  malgré une certaine lassitude actuelle de ma part à participer aux échanges qu’elle suscite.

Je suis, en effet, arrivée un stade paradoxal : celui de reconnaître dans le blog son absolue nécessité en tant que moteur de ma pratique et son impuissance à être un espace « d’exposition » efficace, du moins satisfaisant, de cette dernière.

Ce qui frappe dans l’usage du blog, et qui en crée le besoin, presque l’addiction, c’est la puissance de l’échange avec les interlocuteurs.

Le phénomène de la « rencontre », et qui plus est, avec des inconnus, est si fort qu’il en est bouleversant ; au point qu’il a pu, surtout au début, primer dans mes motivations sur le véritable contenu du blog que je souhaitais comme une performance artistique.

C’est, en effet dans cette « dérive » que les mots « navigation » « rafiot » « Capitaine » ont pu apparaître ; le blog de Gertrude était définitivement un rafiot (avec toutes les concessions de rafistolage que cela sous-entend) à la dérive d’une navigation à vue, en proie aux rencontres hasardeuses plus ou moins heureuses ; et j’en était le Capitaine ivre et désorienté ; je renonçais, là, à toutes sortes de principes ou d’a priori éthiques que j’avais pu me fixer avant l’ouverture du blog.

Je me raccrochai à la devise « Rien n'était prévu, rien ne sera laissé au hasard. ». Je décidai que tout ce qui « tomberait » dans le blog en ferait la matière… et mon miel.

Évidemment le système ne pouvait et ne peut toujours fonctionner que sur une forme d’échange : je publie un « article » et j’attends les réactions de mes interlocuteurs. Au mieux, ces réactions peuvent susciter de nouvelles idées de ma part et ainsi mettre en marche une véritable interactivité, phénomène qui a tendance actuellement à se raréfier probablement à cause de ma perte d’intérêt (momentanée ou définitive) à l’égard des « conversations » virtuelles.

L’élaboration de l’article est toujours le fruit d’une grande motivation, d’un désir impatient, mais il est aussi le support d’une attente très forte vis-à-vis de l’Autre, une sorte de fantasme de reconnaissance de sa part, presque d’une preuve d’amour.

Et c’est là, peut-être, que s’installe le paradoxe : celui de continuer à produire dans ce dispositif, d’être toujours mue par cette impatience et de me heurter toujours à la même frustration de cette attente impossible qui me tenaille à chaque parution : celle que produit le décalage inévitable entre ma pratique et sa réception par mon « public ». Décalage que je sais et que j’entretiens pourtant sciemment mais que je redoute.

Et plus j’avance, plus je constate chez moi cette insatisfaction (probablement liée au désintérêt décrit plus haut, dans un sens ascendant ou descendant que je n’ai pas encore défini), cette course aporétique qui ne cesse de m’agiter ; et à présent, c’est cette insatisfaction qui devient l’objet de mon attention. De désagrément, elle devient source d’intérêt. edurtreG en est probablement une des conséquences.

Ainsi le blog m’apparaît comme une bonne démonstration, voire comme une parodie, du processus artistique en mettant en exergue l’irréductible impuissance qui l’habite.

Mais j’aurai l’occasion d’y revenir.

De l'instant




Une des principales difficultés rencontrée dans ce nouveau blog est l’idée qu’il me faut le concevoir sans aucun carcan logique, sans règle si ce n’est celle de m’exprimer correctement.

Ce sera pour moi la seule façon de traduire l’état d’incertitude et de fouillis dans lequel se trouve ma pensée au sujet de Gertrude.

Je sais ainsi que mon propos ne sera ni linéaire, ni régulier, qu’il sera parfois redondant, contradictoire voire incohérent, mais qu’il sera toujours le résultat d’une forme de vérité de l’instant ; car c’est toujours l’instant qui compte dans une pratique, même si cet instant est engendré par un temps précédent et qu’il aura des conséquences à venir.

Ce que j’ai réalisé il y a quatre ans et demi déjà ne m’appartient plus mais, malgré tout, constitue le fond ou le pied de cette construction qui, bien que virtuelle, ne s’en appuie pas moins, à travers l’accumulation de ces tranches de temps, sur ma réalité.

Il faudra que le visiteur se retrouve (ou pas) dans ces méandres, ces bribes lâchées peu à peu sur ma pratique.

Logique du temps



Commencer à écrire sur ma pratique en résume toute la difficulté ; en effet commencer par quoi ?
Je m’aperçois, en lisant mes premières lignes que j’ai déjà écrit trois articles sans parler une seule fois du véritable objet de ce blog, à savoir Gertrude. À l’évidence j’ai autant de difficulté à en parler que j’ai de facilité à produire des mises en scènes à son propos.

Le « commencer par quoi ? » me replace face à la nécessité de trouver un fil, de tirer un premier fil de ma pelote, encore faut-il que cela soit le bon, celui qui entrainera, enchainera la cohérence de mon propos ; mais il me semble que je dois me défendre de ce penchant si je veux garder un minimum de sincérité.

Et naturellement je ne peux commencer que par ce problème de la logique : la logique de Gertrude, plutôt celle que je lui ai fabriqué dans l’espace virtuel.
Car, a priori, il n’y a pas vraiment de logique ni d’évidence à se retrouver face à un crâne ; la seule réalité du crâne est la tangibilité de sa matière, rien d’autre ; le reste n’est que fantasme, car sa réalité de reste humain ne rencontre pas la notre, et son état nous est inenvisageable, au sens propre comme au sens figuré, si j’ose le dire ainsi.

Mais j’aurai l’occasion de revenir sur ce problème de réalité ; ce qui m’intéresse ici c’est la construction que j’ai pu fabriquer autour de Gertrude pour que toute cette affaire tienne debout, pour que « Gertrude » accède à une forme de réalité, presque de réalisme.
Gertrude, ou plutôt l’ensemble des espaces virtuels la concernant, répond entre autre à une logique implacable, un cadre indéfectible, celui du temps ; pas un temps subjectif, mais le temps objectif, celui de la pendule ou du calendrier.
Car une des « réalités » qui s’impose dans le face-à-face auquel je m’adonne depuis quatre ans et demi, c’est le décalage entre son temps arrêté et le mien qui continue à filer.
Dans le(s) blog(s) de Gertrude, la scansion du temps s’est installée tout naturellement, presque inconsciemment ; d’abord dans le rythme du blog lui-même, « journal » virtuel qui demande son dû et se rappelle à nous dès que nous le négligeons tant soit peu ; le blog de Gertrude est une sorte d’organisme qu’il faut nourrir, et il n’a pas fallu longtemps avant qu’il ne joue le parallélisme avec mon propre organisme, mon propre cycle vital. D’élément immobile et mort, Gertrude, par le truchement du blog, et ses exigences de « journal » a acquis une forme de faculté, celle d’avancer, d’évoluer, de penser, de parler ; cela devient un élément agissant, ou plutôt un élément qui me permet d’agir.
Des glissements voire des dérapages de cette confrontation, j’aurai l’occasion d’en parler plus en détail ; comme je développerai également les fonctions de cette temporalité.
Mais le temps n’est pas la seule logique des blogs de Gertrude.

Miroir de Gertrude


edurtreG est en quelque sorte le miroir de Gertrude, un espace où elle est censée se regarder sans complaisance, mais également ce lieu où l’image reflétée oscille entre déformation volontaire, de la grimace à la tentative d’embellissement, et vérité. L’image est virtuelle, d’autant plus virtuelle que l’objet qu’elle redouble n’a de raison que l’espace virtuel d’Internet ; elle est en même temps reflet des activités gertrudiennes par l’explication, l’analyse, la prise de distance vis-à-vis de ces dernières, mais aussi le contraire de ce qui est montré dans le blog de Gertrude qui fonctionne sur des choix implicites (pas toujours perçus par mes interlocuteurs) ; en effet  edurtreG ne sera que du texte et penchera forcément plutôt du côté de l’explicite.

edurtreG

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edurtreG est une tentative de recul critique par rapport au travail que j’ai entrepris depuis quatre ans et demi autour d’un crâne humain nommé Gertrude.
Vous pouvez prendre connaissance de ce travail ici.

Je ne prétends pas, dans cette expérimentation, conserver toujours une grande objectivité à l’égard de mes activités mais seulement ouvrir un espace de réflexion dans lequel il me sera possible non seulement d’analyser ma démarche, mais aussi de livrer mon ressenti dans cette aventure. 

Il me paraît important également d’inviter les visiteurs à faire part de leurs points de vue, les plaçant là, non comme « interlocuteurs » de Gertrude faisant partie intégrante du jeu, mais en tant que « spectateurs » de mon travail plastique et de sa construction. Libre à eux, bien sûr, d’endosser les deux rôles.

edurtreG, contrairement à Gertrude, sera un blog sans aucune logique particulière à part celle dictée par le désir que j’éprouverai à m’exprimer sur la question.
L’ouverture de ce sixième blog, projet certes déraisonnable, intervient arbitrairement dans l’histoire d’une aventure qui a beaucoup évolué au point d’être à présent très éloignée du projet initial et au risque que je m’y égare ; et c’est probablement ce sentiment, contraire aux apparences, de désorientation et de non-maitrise de l’expérience qui m’a décidé à envisager ce nouvel espace .

À ce stade, éprouverais-je donc le besoin d’expliciter ou de justifier ma démarche à mes yeux autant qu’aux yeux des autres ? Ou sans vraiment me l’avouer, suis-je en train de lancer un nouveau tentacule à la pieuvre Gertrude dans l’impuissance de contrôler les autres ?
Je ne le sais, seule l’évolution de ce nouveau blog me le dira.